Genre : Actualité
Type : Livres
Langue : Français
Nombre de pages : 99
Editeur : F. Mathieu
Nous parlons sans penser bien plus
souvent que nous le voudrions ; bien
plus souvent que nous le pensons
ou voudrions le penser.
Car les mots pensent à travers nous,
à la fois sources et termes (en tant que
« termes ») de notre réflexion.
Par quoi nous comprenons que les mots
se paient de nous lorsque ce n’est pas
nous qui nous payons de mots.
Si l’on peut concevoir ainsi les mots comme
l’analogue immatériel de la « devise » qui
règle les échanges entre les hommes, on
concevra sans peine que le pouvoir réel
n’est autre que celui de « battre monnaie » :
celui de forger les mots.
S’il faut que les mots soient le régulateur
de l’échange des idées (de même que la
monnaie physique serait celui de l’échange
des biens), alors le véritable enjeu de la
domination consistera nécessairement dans
la maîtrise du processus de façonnement et
de circulation des mots.
C’est à rendre visible l’invisible et conscient
l’inconscient qu’ils véhiculent que nous
consacrons les présentes 2100 notices,
classées par ordre alphabétique.
C’est à faire apparaître comment s’impose
la langue de la domination ; comment dénouer
les nœuds qu’elle tisse ; comment reprendre le
contrôle de nos pensées nouées par le
langage que nous consacrons ce dictionnaire.
Afin, d’abord, de nous souvenir qu’un débauchage
massif n’est pas un « plan social », une grève
dans les transports une « prise d’otage », ni une
décharge publique un « espace propreté ».
Ensuite, autant que faire se peut, de redéfinir les
formes d’un discours de contestation qui ne
s’autodétruise pas en ressassant les abstractions
et les concepts qu’il est censé combattre.